Pédagogie

Maximilien Decroux

Juillet 2008

On a besoin de certaines choses plus que d'autres - on cherche à satisfaire ces besoins. Mais la route que l'on suit nous donne des satisfactions inattendues au départ : Fred Astaire voulait être professeur de danse classique, Gary Cooper voulait être dessinateur de bandes dessinées...

Je suis né dans le monde du théâtre. Le monde "normal" m'était étranger. J'étais le seul enfant parmi des adultes. J'ai éprouvé le besoin de vivre les aventures de Tarzan et des héros de Jack London dans un monde de théâtre et j'inventais en imagination toutes sortes d'aventures que je me racontais en sautillant dans le jardin, décor imaginaire à mes héros. Le besoin d'être comme mon père était le besoin d'être professeur.

Je commençais à le remplacer après avoir suivi ses cours et progressivement je devins un professeur utilisant la technique apprise et pour laquelle j'eus très tôt des félicitations de spectateurs célèbres : danseurs de l'opéra, acteurs comme Raymond Devos, tout cela m'était assez indifférent.

 

L'imaginaire était sur ma route et devint le plus important. Je commençais à inventer des histoires à interpréter par moi et très vite par d'autres.

 

Mon père, respecté comme maître, me voyant interpréter les rôles rigides qu'il me confiait eut l'idée de me demander une part de ce qu'il dirigeait : l'improvisation. Très vite j'ai eu la satisfaction d'être comme tout le monde (du théâtre) un professeur, et d'exciter les capacités d'imagination des élèves.

Très vite j'eus le désir de faire avec ce que j'avais : des élèves et un travail de professeur et le besoin d'inventer des histoires favorables à l'imaginaire des élèves.

Cette fois je n'ai pas eu les félicitations des grands aînés mais j'ai eu le succès auprès des élèves. Comme je suivais les cours de mon père quand il était présent, j'eus plaisir (et le trac passionné) d'essayer d'improviser seul moi-même. J'eus droit aux félicitations de mon père et maître.

Cette fois la réussite artistique me faisait rebondir, toutes mes « œuvrettes » se créaient par des improvisations partant d'une idée, souvent comique, car tel était mon goût.

Mon plus grand plaisir était de trouver la phrase qui faisait rire mes interlocuteurs.

Aussi c'est ce qui me plaisait le plus dans les improvisations de mes élèves. Par la suite mon père et moi nous nous sommes séparés d'un commun accord. Ce ne fut pas difficile à cause de nous, mais à cause "des gens", car ils pensaient que j'allais prendre son répertoire. Quand je proposais de jouer on me disait : "j'ai déjà vu" c'est à dire on avait vu mon père.

J'aimais ce qu'il avait fait et il disait de ce que je faisais : "lui c'est différent" et il ajoutait "lui il a du talent". Tout nous a laissé dans une bonne entente mais nos voies étaient d'humeur différente. Telle pédagogie, telles créations.

 

J'ai surtout enrichi et expérimenté la création même dans la technique en développant la créativité. J'ai préféré aider la réalisation d'élèves déjà formés ayant une idée intéressante et les conseiller, exciter leur imagination, leur faire construire leur idée par des improvisations. Tout cela pour éviter l'ennui qui est comme le diable comme dit Peter Brook.

 

L'art est inutile, c'est lui pourtant qui satisfait les besoins de tous.

 

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